Deborah Crombie
Noël sanglant à Notting Hill
trad. Gérard de Chergé
Le livre de poche, n°35003, 2004
[Millenium]
Le soleil ne montre plus
Son visage, et la trahison sème
Ses graines secrètes que nul ne peut déceler;
Par leurs enfants les pères sont défaits;
Le frère voudrait duper son frère;
Le moine encapuchonné est un leurre...
La force prime le droit, de justice il n'est point...
Walther von der Vogelweide
(vers 1170 - vers 1230)
[Chapitre un]
L'amiral Sir Edward Vernon, à la tête d'une petite flotte de navires de la British Navy, s'empara du port [de Porto Bello] en 1739... On alluma des feux de joie dans toutes les principales villes pour fêter la victoire... On baptisa des rues et des quartiers du nom de Vernon et de Portobello.
Whetlor et Bartlett
Portobello
[Chapitre deux]
Portobello était la rue où notre famille faisait ses courses. Il y avait une quantité de boucheries casher... huit ou neuf dans un rayon restreint, et aussi des épiceries juives où on pouvait acheter de délicieux bagels et du pain azyme.
Whetlor et Bartlett
Portobello
[Chapitre trois]
Si vous avez connu Notting Hill au début des années soixante, vous aurez du mal à le reconnaître aujourd'hui. De nos jours, Notting Hill est un endroit riche et huppé. Retournez trente ans en arrière: vous aurez un quartier misérable, grouillant de rats et de détritus, plein de maisons occupées par plusieurs familles.
Charlie Phillips et Mike Phillips
Nothing Hill dans les années soixante
[Chapitre quatre]
Quant à savoir à quelle époque débuta le commerce des antiquités à Portobello Road, les opinions divergent. Selon une de ces théories, quand le Marché Calédonien, réputé avant-guerre pour être l'endroit idéal où acheter une armoire ou un lit d'occasion, ferma ses portes en 1948, certains de ses antiquaires allèrent installer leurs échoppes à Portobello Road.
Whetlor et Bartlett
Portobello
[Chapitre Cinq]
Au XIXe siècle, on appelait encore Notting Dale "les Poteries", en raison des carrières de cailloux et des Poteries Norland de Walmer Road. On l'appelait également "les Porcheries": en effet, le quartier comptait 3000 cochons, 1000 habitants et 260 taudis.
Charlie Phillips et Mike Phillips
Nothing Hill dans les années soixante
[Chapitre six]
En 1833, à la suite d'une crise provoquée par l'entassement indécent des tombes dans les cimetières des églises londonniennes, on acheta cinquante-six acres de terres entre le canal et Harrow Road afin de créer Kensal Green Cemetery, le premier lieu spécifiquement aménagé à Londres pour ensevelir les morts.
Whetlor et Bartlett
Portobello
[Chapitre sept]
Quand les Antillais commencèrent à arriver, dans les années cinquante et au début des années soixante, Notting Hill était encore délabré et sous-développé. C'était un quartier de Londres qui n'intéressait personne. Sa dévastation n'était pas le résultat d'un bombardement: il ne bénéficiait pas de la mythologie édifiée autour de l'East End par les propagandistes de la guerre et de l'après-guerre; et, contrairement à l'East End où foisonnaient les bâtisses victoriennes en ruine, on y trouvait bon nombre de grandes demeures en bon état.
Charlie Phillips et Mike Phillips
Nothing Hill dans les années soixante
[Chapitre huit]
Le marché du samedi existe à Portobello Road depuis les années 1860. Les marchands des quatre-saisons, qui vendaient dans la journée de la viande, des fruits, des légumes et des fleurs, étaient relayés le samedi soir par de nombreux vendeurs ambulants et des artistes de rues.
Whetlor et Bartlett
Portobello
[Chapitre neuf]
Dans le quartier de Portobello, beaucoup de logements restèrent misérables jusqu'à la Seconde Guerre mondiale et même au-delà. Il n'était pas rare, même à cette époque, de voir des appartements sans salle de bains, avec des W-C communs et des cuisines de fortune installées sur le palier.
Whetlor et Bartlett
Portobello
[Chapitre dix]
C'est curieux, l'histoire. Depuis les années soixante, toutes sortes de gens - puritains, réactionnaires, gauchistes, politiciens, féministes, phallocrates, défenseurs de l'ordre moral, censeurs de tout poil - ont inventé un modèle de société bien sage, collet monté, dont le pays a réussi à s'extraire avec l'apparition de la permissivité.
Charlie Phillips et Mike Phillips
Nothing Hill dans les années soixante
[Chapitre onze]
Vers le milieu de la décennie, le Grove changea rapidement d'allure. La liaison de Christine Keeler et de Stephen Ward avait fini par doucher la belle insouciance avec laquelle les voyous opéraient dans le quartier.
Charlie Phillips et Mike Phillips
Nothing Hill dans les années soixante
[Chapitre douze]
Dès les premiers temps, les pubs de Portobello Road furent d'importants lieux de rencontre. Commerçants, charpentiers, tapissiers, jardiniers, employés, marchands des quatre-saison, tous ceux qui habitaient ou travaillaient dans la rue pouvaient y trouver de la distraction et de la compagnie. Le plus ancien café encore en activité, le Sun un Splendour, près de Notting Hill Gate, a été construit en 1850 et avait pour enseigne un grand soleil levant aux rayons dorés.
Whetlor et Bartlett
Portobello
[Chapitre treize]
Notting Hill a été réhabilité: Les yuppies l'ont colonisé. En réalité, le quartier n'est pas si éloigné du centre ville; il vous suffit de descendre tranquillement Bayswater Road pour vous retrouver à Marble Arch.
Charlie Phillips et Mike Phillips
Nothing Hill dans les années soixante
[Chapitre quatorze]
Vers le milieu des années soixante beaucoup de lois furent votées qui mobilisèrent la police. Les autorités entreprirent de faire régner l'ordre dans les rues. Mais la guerre était terminée et, comme pour tout le reste, il fallut se familiariser avec ce nouvel environnement. Le but était de nettoyer le quartier, de lui rendre sa splendeur passée. Nous savions déjà ce que ça signifiait.
Charlie Phillips et Mike Phillips
Nothing Hill dans les années soixante
[Chapitre quinze]
À une époque où la plupart des habitants du quartier déclaraient encore comme lieu de naissance l'un des comtés d'Angleterre, la population de Portobello Road se diversifiait: beaucoup d'étrangers venaient s'installer dans le quartier. Dans un échantillon du même recensement, on trouvait une personne originaire de Russie, une autre de Pologne, huit d'Irlande, une de Belgique...
Whetlor et Bartlett
Portobello
[Chapitre seize]
Dès le milieu des années soixante, Portobello Road devint un quartier touristique. La poste avait choisi les magasins d'antiquités pour illustrer ses timbres dans les années cinquante. En 1966, le Reader's Digest décrivait en termes dithyrambiques les bonnes affaires à réaliser à Portobello Road, affirmant qu'on y trouvait tous les samedis "vingt mille clients potentiels, marchands d'antiquités et acheteurs américains".
Whetlor et Bartlett
Portobello
[Chapitre dix-sept]
Portobello Road, avec ses acheteurs, ses touristes et ses badauds, offrait aux artistes et aux photographes des sujets passionnants. Le marché aux puces inspira Peter Blake, un artiste pop qui ornait ses tableaux d'insignes, d'étiquettes, de bouts de pancartes, de médailles et d'objets divers. Blake est surtout connu pour avoir conçu la pochette de l'album des Beatles: "Sergeant Pepper's Lonely Hearts Club Band".
Whetlor et Bartlett
Portobello
[Chapitre dix-huit]
Au milieu des années cinquante, alors que la situation était déjà explosive, débarquèrent des immigrés des Antilles. Leur présence aisément identifiable, dans un quartier déjà surpeuplé, eut le don d'irriter certains membres de la communauté blanche, qui s'inquiétaient pour leur logements et leur emploi.
Whetlor et Bartlett
Portobello
[Chapitre dix-neuf]
À North Kensington, au XIXe siècle, on laissait à l'Église et aux oeuvres caritatives le soin d'aider ceux qui traversaient une mauvaise passe, qui avaient besoin d'une assistance que ni la famille ni les voisins ne pouvaient leur apporter. Avec l'Accroissement de la population, un certain nombre d'associations religieuses et philanthropiques s'établirent aux alentours de Portobello Road. Elles avaient pour but de venir en aide aux malades, aux personnes âgées et aux nécessiteux.
Whetlor et Bartlett
Portobello
[Chapitre vingt]
Notting Hill a changé plus vite et plus radicalement que n'importe quel quartier de Londres. Ce sont les immigrants antillais qui ont initié ce changement dans les années soixante; or, par une cruelle ironie du sort, ce changement même les a chassés du territoire qu'ils avaient conquis au prix fort. D'un autre côté, le changement est l'essence même de la vie citadine. Les habitants vont et viennent comme une marée humaine; les immeubles décrépits sont reconstruits et rénovés, puis affectés à d'autres usages. La roue tourne.
Charlie Phillips et Mike Phillips
Nothing Hill dans les années soixante