Donald Westlake
Le couperet
trad. Mona de Pracontal
Rivages Thriller, 1998
Si vous faites ce que vous estimez juste pour toutes les personnes concernées, alors vous êtes tranquille. Donc je suis tranquille.
Thomas G. Labrecque
P.-D.G. de la Chase Manhattan Bank
Certes, la vielle superstition selon laquelle les romans sont "pernicieux" a disparu d'Angleterre, mais il en demeure quelques traces dans un certain regard oblique dirigé vers toute histoire refusant d'admettre qu'elle n'est plus ou moins qu'une plaisanterie. Le roman même le plus facétieux sent plus ou moins peser la réprobation dirigée jadis contre la frivolité littéraire: la facétie ne réussit pas toujours à passer pour de l'orthodoxie. Tout en ayant peut-être honte de le dire, les lecteurs attendent toujours d'une oeuvre - qui, après tout, n'est que du "feindre" (une "histoire" est-elle autre chose?), qu'elle soit à quelque degré apologétique, renonçant ainsi à l'ambitieux désir de reproduire vraiment la vie. Ce renoncement, il va de soi que toute histoire empreinte d'intelligence et de lucidité le refusera, car elle discernera assez vite que la tolérance qu'on lui accorde à cette condition n'est - travestie en acte de générosité - qu'une tentative d'étouffement. La vieille hostilité évangélique envers le roman, aussi catégorique qu'étroite, et qui le considérait à peine moins favorable à nos chances qu'obtenir notre part de paradis qu'une pièce de théâtre - cette hostilité était en fait beaucoup moins offensante. La seule raison d'être d'un roman est de s'attacher vraiment à reproduire la vie.
Henry James
L'art de la fiction (Klincksieck, 1978) Traduction française de M. Sibon et M. Zéraffa