Pierre Seghers
La Résistance et ses poètes (France 1940 / 1945)
Editions Seghers, 1974
[Première partie : Présentation]
Jeunes gens qui me lirez peut-être, pensez-y !
Les bûchers ne sont jamais éteints et le feu, pour vous, peut reprendre..
[Première partie : Avant-propos]
Chant profane pour les temps inquiets
Des êtres, maintenant pleurent sur une terre étrangère,
Pleurent de désespoir et de douleur ;
Des êtres, maintenant, plongent dans le fleuve impassible
Plongent dans le fleuve pour mourir et se délivrer ;
Des êtres, maintenant, ont perdu cette lumière sacrée,
Cette lumière merveilleuse qu'est la liberté.
La voix athée, maintenant, leur a barré l'avenir de ses longs bras funestes
La voix du mensonge et de la mauvaise foi
Et quelques hommes, maintenant, croient pouvoir disposer d'eux tous ;
Quelques hommes qui flamboient sur le volcan du monde,
Quelques hommes funèbres, dont la mort et la cendre emplissent les deux mains."
André Sylvain
DI 83 - 2ème cie
[Première partie : Chapitre I : Les préalables [Février 1936 - Septembre 1939]]
Le temps est venu où tous les poètes ont le droit et le devoir de soutenir qu'ils sont profondément enfoncés dans la vie des autres comme dans la vie commune
[Première partie : Chapitre II : De la drôle de guerre à l'armistice [Septembre 1939 - juin 1940]]
Quiconque écrit l'histoire de son temps doit s'attendre qu'on lui reprochera tout ce qu'il a dit et tout ce qu'il n'a pas dit.
Voltaire
Lettres à Valentin Philippe de Rocheret, 14 avril 177
[Première partie : Chapitre III : De l'armistice à fin décembre 1940 [Juin 1940 - 31 décembre 1940]]
La littérature de la Résistance aura été une littérature dictée par l'obsession et non par une décision froide. Elle était le contraire de ce qu'on décrit d'habitude par le terme d'engagement, elle était la libre et difficile expression d'un seul et unique souci : se libérer d'un intolérable état de choses.
[Première partie : Chapitre IV : Du 1er janvier 1941 à l'invasion allemande en URSS [Janvier 1941 - 21 juin 1941]]
Tu peux pénétrer facilement dans le royaume de France par la complicité de quelques barons, car il s'y trouve toujours des mécontents et des amateurs de nouveautés pour t'en ouvrir l'accès et te faciliter la victoire. Mais si tu veux t'y maintenir, tu trouveras des difficultés sans fin, et avec ceux que tu opprimes, et avec ceux qui t'ont soutenu.
[Première partie : Chapitre V : Des fleurs de serre aux fleurs de sang [21 juin 1941 - 31 décembre 1941]]
Levons-nous, chanteurs sombres, levez-vous, hommes de feu comme des statues de mon âme."
Jean-Claude Diamant-Berger
tué au combat, à 24 ans.
[Première partie : Chapitre VI : Du début 1942 au débarquement en Afrique du Nord [1er janvier 1942 - 8 novembre 1942]]
Ce siècle a sur la mort quarante-deux fenêtres.
[Première partie : Chapitre VII : Du débarquement en Afrique du Nord à la Saint-Sylvestre 1942 [8 novembre 1942 - 31 décembre 1942]]
Il fait une nuit de moineaux
Que le feu déchire et dévore
[Première partie : Chapitre VIII : L'année 1943 [ 1er janvier 1943 - 31 décembre 1943 ]]
Une fille de feu d'un poète dira
Quarante-trois, feutre étouffant, la préhistoire
Les violettes vendues contre deux mots d'espoir
Et l'épée de l'espoir si pesante à nos bras...
[Première partie : Chapitre IX : Du début 1944 au débarquement de Normandie [1er janvier 1944 - 6 juin 1944]]
À la porte à côté
Va, frappe la mort, frappe,
A la porte à côté
La vie nous est ôtée...
Complainte pour une "danse des morts"
[Première partie : Chapitre X : Des débarquements en Normandie et en Provence à la fin 1944 [6 juin 1944 - 31 décembre 1944]]
Mais je chante un vivant qui paya cher le droit
D'être homme - et non pour lui seulement, mais pour toi
Qui me lis et pour moi qui le chante, pour l'homme...
[Première partie : Chapitre XI : Du 1er janvier 1945 à la capitulation allemande [1er janvier 1945 - 8 mai 1945]]
La poésie a combattu en première ligne du drame ; elle a eu ses morts, ses saints, ses héros et le combat continue ; la poésie fume encore comme une arme qui vient de tirer. Et nous sommes encore éclairés par cette lumière apparue dans le tissu même de la chair de Lazare.
[Seconde partie : anthologie-Avant-propos]
Toutes les forêts s'emplissent de voix tonnantes! Tocsin!
tocsin! Que de chaque maison il sorte un soldat ; que le faubourg devienne régiment ; que la ville se fasse armée. Les prussiens sont huit cent mille, vous êtes quarante millions d'hommes. Dressez-vous, et soufflez sur eux ! Lille, Nantes, Tours, Bourges, Orléans, Dijon, Toulouse, Bayonne, ceignez vos reins. En marche ! Lyon, prends ton
fusil. Bordeaux, prends ta carabine. Rouen, tire ton épée, et toi, Marseille, chante ta chanson et viens terrible. Cités, cités, cités, faites des forêts de piques, épaississez vos bayonnettes, attelez vos canons, et toi village, prends ta fourche. On n'a pas de poudre, on n'a pas de munitions, on n'a pas d'artillerie ? Erreur ! on en a. D'ailleurs les paysans suisses n'avaient que des cognées, les paysans
polonais n'avaient que des faux, les paysans bretons n'avaient que des bâtons. Et tout s'évanouissait devant eux !
Qui veut peut. Un mauvais fusil est excellent quand le coeur est bon ; un vieux tronçon de sabre est invincible quand le bras est vaillant. C'est aux paysans d'Espagne que s'est brisé Napoléon. Tout de suite, en hâte, sans perdre un jour, sans perdre une heure, que chacun, riche, pauvre, ouvrier, bourgeois, laboureur, prenne chez lui ou ramasse à terre tout ce qui ressemble à une arme ou à un projectile.
Roulez des rochers, entassez des pavés, changez les sillons en fosses, combattez avec les pierres de notre terre sacrée, lapidez les envahisseurs avec les ossements de notre mère la France.
O citoyens, dans les cailloux du chemin, ce que vous leur jetez à la face, c'est la Patrie...
Faisons la guerre de jour et de nuit, la guerre des montagnes, la guerre des plaines, la guerre des bois.Levez-vous ! levez-vous ! Pas de trêve, pas de repos, pas de sommeil ; le despotisme attaque la liberté, l'Allemagne attente à la France. Qu'à la sombre chaleur de notre
sol cette colossale armée fonde comme la neige. Que pas un point du territoire ne se dérobe au devoir. Organisons l'effrayante bataille de la Patrie. O francs-tireurs, allez, traversez les halliers, passez les torrents, profitez de l'ombre et du crépuscule, serpentez dans les ravins, glissez-vous, rampez, ajustez, tirez, exterminez l'invasion. Défendez la France avec héroïsme. Soyez terribles, ô patriotes!
Victor Hugo
Publié par les Lettres française clandestines, n° spécial, 1er août 1944.