Morin, Motta et Ciurana
Éduquer pour l'ère planétaire
Balland, 2003
[I. La méthode]
Mais il se trouve que la méthode s'applique toujours à une idée. Or il n'y a pas de méthode pour traquer les idées. Ou alors, ce qui revient au même, tout est bon pour les idées : l'analogie, Le plagiat, l'inspiration, la séquestration, le contraste, la contradiction, la spéculation, le rêve, l'absurde... Un plan pour acquérir des idées n'est profitable que s'il nous incite continuellement à l'abandonner, s'il nous invite à nous détourner de lui, à humer l'air à droite et à gauche, à nous éloigner, à tourner en rond, à divaguer, non pas à nous laisser guider vers l'obtention des idées, mais plutôt à nous disposer au traitement de celles-ci. S'accrocher avec rigueur à un plan de recherche d'idées constitue une anesthésie pour l'intuition.
[I. La méthode]
Le grand sentier n'a pas de portes,
Des milliers de chemins mènent à lui.
Lorsqu'on franchit ce seuil sans porte,
On chemine librement entre le ciel et la terre.
[I. La méthode]
Ni moi, ni personne d'autre ne peut parcourir ce chemin à ta place. Tu dois le parcourir toi-même. Il n'est pas loin, il est accessible. Peut-être t'y trouves-tu depuis ta naissance sans le savoir. Peut-être est-il partout, sur l'eau et sur la terre.
[I. La méthode]
Je redoutais mon retour autant que j'avais redouté mon départ; tous deux appartenaient à l'inconnu et à l'imprévu. Ce qui m'avait été familier m'était à présent inconnu; La seule chose qui avait changé, c'était moi... Je rentrai avec « rien » à transmettre de mon expérience. Grâce à la compréhension de mon voyage, je trouvai en moi la confiance suffisante pour accomplir les nécessaires - et dfficiles - séparations d'avec mes anciennes structure de vie, à présent dépourvues de sens... Je rentrai du voyage pour en entreprendre un autre.
[I. La méthode]
Toute découverte véritable détermine une nouvelle méthode et doit par conséquent ruiner une méthode antérieure.
[II. La complexité de la pensée complexe]
Il y a deux sortes de conscience:
l'une est lumière et l'autre, patience.
L'une consiste à éclairer
un peu la mer profonde;
l'autre, à faire pénitence,
avec une canne à pêche ou un filet, en attendant
le poisson, comme un pêcheur.
Dis-moi: laquelle est la meilleure?
La conscience du visionnaire
qui contemple dans l'aquarium profond
des poissons vivants,
fugitifs,
qu'on ne peut pêcher,
ou cette maudite besogne
de jeter sur le sable, morts,
les poissons de la mer?
[III. Les défis de l'ère planétaire]
À force de sacrifier l'essentiel au nom de l'urgence, on finit par oublier l'urgence de l'essentiel.
[III. Les défis de l'ère planétaire]
Les foyers du changement d'ère se révèleront, n'en doutons pas, multiples, inespérés, disséminés sur toute la surface de la Terre. Qu'elle le sache ou pas, qu'elle le veuille ou pas, l'humanité est entrée dans sa phase de mondialisation, et la civilisation à venir, s'il doit y en avoir une, ne peut qu'être planétaire. Il nous reste à savoir ce qui sera le plus attirant: l'universalisation du système actuel, pour le plus grand profit de quelques uns, ou l'élan des habitants de la Terre pour mettre en commun leurs différences culturelles?
[III. Les défis de l'ère planétaire]
Ma conviction profonde est que le futur n'est écrit nulle part; il sera ce que nous ferons de lui. Et le destin? Le destin est à l'être humain ce que le vent est au voilier. Si le timonier ne peut décider d'où souffle le vent, ni avec quelle force, il peut en revanche orienter la voile. Et cela implique parfois une immense différence. Le même vent qui provoquera le naufrage de tel marin inexpérimenté, ou imprudent, ou mal inspiré, mènera tel autre à bon port. Nous pourrions presque en dire autant du « vent » de la mondialisation qui souffle sur la planète. Il serait absurde de vouloir l'entraver mais si nous naviguons adroitement, en tenant notre cap et en évitant les écueils, nous pourrons arriver « à bon port ».
Seule une interrogation globale et multidimensionnelle, seule une pensée questionnante peuvent capter ce qui est et ce qui se fait, tout en ouvrant sur l'avenir.
[Épilogue]
Mes yeux cherchent
ce qui nous fait ôter nos souliers
pour voir s'il y a quelque chose d'autre
qui nous soutienne d'en dessous
ou inventer un oiseau
pour vérifier s'il existe un air
ou créer un monde
pour savoir s'il y a un dieu
ou mettre notre chapeau
pour nous assurer que nous existons.