Marcel Proust
Les plaisirs et les jours
Folio °379
[À mon ami Willie Heath]
Du sein de Dieu oùtu reposes... révèle-moi ces vérités qui dominent la mort, empêchent de la craindre et la font presque aimer.
[La mort de Baldassare Silvande vicomte de Sylvanie - I]
Apollon gardait les troupeaux d'Admète disent les poètes; chaque homme aussi est un dieu déguisé qui contrefait le fou.
[La mort de Baldassare Silvande vicomte de Sylvanie - II]
La chair est triste, hélas...
[La mort de Baldassare Silvande vicomte de Sylvanie - III]
Sa jeunesse lui fait du bruit, il n'entend pas.
[La mort de Baldassare Silvande vicomte de Sylvanie - IV]
Demai, puis demain, puis demain glisse ainsi à petits pas jusqu'à la dernière syllabe que le temps écrit dans son livre. Et tous nos hiers ont éclairé pour quelques fous le chemin de la mort poudreuse. Éteins-toi! Éteins-toi, court flambeau! La vie n'est qu'une ombre errante, un pauvre comédien qui se pavane et se lamente pendant son heure sur le théâtre et qu'après on n'entend plus. C'est un conte, dit par un idiot, plein de fracas et de furie, et qui ne signifie rien.
[La mort de Baldassare Silvande vicomte de Sylvanie - V]
Voilà un noble coeur qui se bries.
Bonne nuit, aimable prince, et que des essaims d'anges bercent en chantant ton sommeil.
[Violante ou la mondanité (1. Enfance méditative de Violante)]
Ayez peu de commerce avec les jeunes gens et les personnes du monde... Ne désirez point de paraître devant les grands.
Imitation de Jésus-Christ, liv. I, chap. VIII.
[Violante ou la mondanité (2. Sensualité)]
Ne vous appuyez point sur un roseau qu'agite le vent et n'y mettez pas votre confiance, car toute chair est comme l'herbe et sa gloire passe comme la fleur des champs.
Imitation de Jésus-Christ.
[Fragments de comédie italienne]
De même que l'écrevisse, le bélier, le scorpion, la balance et le verseau perdent toute bassesse quand ils apparaissent comme signes du zodiaque, ainsi on peut voir sans colère ses propres vices dans les personnages éloignés...
[Mélancolique villégiature de Mme de Breyres]
Ariane, ma soeur de quelle amour blessée
Vous mourûtes aux bords où vous fûtes laissée!
[Mélancolique villégiature de Mme de Breyres (V.)]
et se consumait depuis le jour levant, sur
les algues du ruvage, gardant au fond du
coeur, comme une flèche dans le foie, la
plaie cuisante de la grande Kypris
[La confession d'une jeune fille]
Les désirs des sens nous entraînent çà et là, mais l'heure passée, que rapportez-vous? des remords de conscience et de la dissipation d'esprit. On sort dans la joie et souvent on revient dans la tristesse, et les plaisirs du soir attristent le matin. Ainsi la joie des sens flatte d'abord, mais à la fin elle blesse et elle tue.
Imitation de Jésus-Christ, liv. I, chap. XVIII.
[La confession d'une jeune fille (I)]
Parmi l'oubli qu'on cherche aux fausses allégresses,
Revient plus virginal à travers les ivresses,
Le doux parfum mélancolique du lilas.
[La confession d'une jeune fille (III)]
Et le vent furibond de la concupiscence
Fait claquer votre chair ainsi qu'un vieux drapeaux.
[La confession d'une jeune fille (IV)]
À quiconque a perdu ce qui ne se retrouve
Jamais... jamais!
[Un dîner en ville]
Mais, Fundanius, qui partageait avec vous le bonheur de ce repas? je suis en peine de le savoir.
[Les regrets, rêveries couleur du temps]
La manière de vivre du poète devrait être si simple que les influences les plus ordinaires le réjouissent, sa gaieté devrait pouvoir être le fruit d'un rayon de soleil, l'air devrait suffire pour l'inspirer et l'eau devrait suffire pour l'enivrer.
[Les regrets, rêveries couleur du temps (II - Versailles)]
Un canal qui fait rêver les plus grands parleurs sitôt qu'ils s'en approchent et où je suis toujours heureux, soit que je sois joyeux, soit que je sois triste.
Lettre de Balzac à M. de Lamothe-Aigron
[Les regrets, rêveries couleur du temps (IV - Famille écoutant la musique)]
Car la musique est douce,
Fait l'âme harmonieuse et comme un divin choeur
Éveille mille voix qui chantent dans le coeur.
[Les regrets, rêveries couleur du temps (XVII - Rêve)]
Tes pleurs coulaient pour moi, ma lèvre a bu tes pleurs.
[Les regrets, rêveries couleur du temps (XIX - Vent de mer à la campagne)]
Je t'apportai un jeun pavot, aux pétales de pourpre.
[La fin de la jalousie (I)]
Donne-nous les biens, soit que nous les demandions soit que nous ne les demandions pas, et éloigne de nous les maux quand même nous te les demanderions. - Cette prière me paraît belle et sûre. Si tu y trouves quelque chose à réprendre, ne le cache pas.
[La fin de la jalousie (II)]
Nos actes sont nos bons et nos mauvais anges, les ombres fatales qui marchent à nos côtés.
[La fin de la jalousie (III)]
Nous devons nous confier à l'âme jusqu'à la fin; car des choses aussi belles et aussi magnétiques que les relations de l'amour ne peuvent être supplantées et remplacées que par des choses plus belles et d'un degré plus élevé.