Georges Bordonove
Clovis et les Mérovingiens 276-737. Les rois qui ont fait la France.
Éditions Pygmalion, J'ai lu n°6082
Païens et chrétiens du terroir gaulois ont également leurs raisons pour l'aimer. Sulpice Sévère oppose hardiment ses saints à ceux de l'Orient; Ausone chante ses cités et ses paysages, et le rhéteur Pacatus, après avoir contemplé à Rome l'empereur Théodose, ne désire que de revoir ses amis et ses villes de la Gaule. Pour tous, elle est une mère et une patrie. Et quoique le mot de "patrie" s'applique en ce temps-là à bien des êtres différents, à l'Empire, à l'Église ou au municip, il renferme en soi tant d'attraits et tant de mérites, qu'une fois uni au nom de Gaule, il assure à ce nom le prestige d'une idée souveraine.
Si les Augustes romains, fils ou héritiers de Théodose, avaient compris ces sentiments humains, ces leçons de l'histoire, ces lois de la nature, s'ils avaient laissé grandir la patrie gauloise à l'ombre de l'Empire, ils auraient peut-être procuré à cet Empire de nouveaux siècles de durée. Ils ne l'ont point fait, ils ont méconnu l'existence ou la vitalité de la nation, ils ont refusé de s'appuyer sur elle; et ils ont ainsi rapproché le jour de la chute suprême. Mais la Gaule échappera à la ruine du monde impérial, elle trouvera son salut dans les Francs de ses frontières, et c'est à eux que reviendra la tâche de reprendre et de continuer son unité nationale. Quand les empereurs de Rome n'écouteront plus les voix de la Gaule, un roi des Francs sera près d'elle pour répondre à son appel.
Camille Jullian
Histoire de la Gaule