Edgar Morin
Les sept savoirs nécessaires à l'éducation du futur
Seuil, 2000
[Enseigner l'identité terrienne]
Seul le sage ne cesse d'avoir le tout constamment à l'esprit, n'oublie jamais le monde, pense et agit par rapport au cosmos.
[Enseigner l'identité terrienne]
Pour la première fois, l'homme a réellement compris qu'il est un habitant de la planète, et peut-être doit-il penser ou agir sous un nouvel aspect, non seulement sous l'aspect d'individu, de famille ou de genre, d'État ou de groupe d'États, mais aussi sous l'aspect planétaire.
[Affronter les incertitudes]
Les dieux nous créent bien des surprises : l'attendu ne s'accomplit pas, et à l'inattendu un dieu ouvre la voie.
Le paradigme perdu : la nature humaine
Seuil/Points n°109
Je vois un animal moins fort que les uns, moins agile que les autres, mais à tout prendre, ORGANISÉ le plus avantageusement de tous.
Jean-Jacques Rousseau
Discours sur l'origine de l'inégalité parmi les hommes
[1. La soudure épistémologique]
Tout nous incite à mettre fin à la vision d'une nature non humaine et d'un homme non naturel.
[2. L'hominisation (l'anthropo-sociogénèse)]
Könige des Endlichkeit, erwacht!
(Rois de la Finitude, debout!)
[3. Un animal doué de déraison]
Ô ridicolissime heroe.
[2. L'hypercomplexité]
Je finis par trouver sacré le désordre de mon esprit.
[3. L'homme générique]
Quelle chimère est-ce donc que l'homme? Quelle nouveauté, quel monstre, quel chaos, quel sujet de contradiction, quel prodige! Juge de toutes choses, imbécile ver de terre, dépositaire du vrai, cloaque d'incertitude et d'erreur; gloire et rebut de l'univers. Qui démêlera cet embrouillement?
[6. L'homme péninsulaire]
Le comportement borné des hommes en face de la nature conditionne leur comportement borné entre eux.
Karl Marx
L'Idéologie allemande
[6. L'homme péninsulaire]
Ce qui est trop clair n'est pas intéressant.
La méthode I. La Nature de la Nature
Points/Seuil 123
Je serai bien aise que ceux qui me voudront faire des objections ne se hâtent point, et qu'ils tâchent d'entendre tout ce que j'ai écrit, avant que de juger d'une partie: car le tout se tient et la fin sert à prouver le commencement.
Descartes
Lettres à Mersenne
Toutes choses étant causées et causantes, aidées et aidantes, médiates et immédiates, et toutes s'entretenant par un lien naturel et insensible qui lie les plus éloignées et les plus différentes, je tiens impossible de connaître les parties sans connaître le tout, non plus que de connaître le tout sans connaître particulièrement les parties
Pascal
éd. Brunschvicg, II, 72
Joignez ce qui est complet et ce qui ne l'est pas, ce qui concorde et ce qui discorde, ce qui est en harmonie et ce qui est en désaccord.
La connaissance isolée qu'a obtenue un groupe de spécialistes dans un champ étroit n'a en elle-même aucune valeur d'aucune sorte. Elle n'a de valeur que dans le système théorique qui la réunit à tout le reste de la connaissance, et seulement dans la mesure où elle contribue réellement, dans cette systhèse, à répondre à la question: « Qui sommes-nous? »
Peut-être y a t-t-il d'autres connaissances à acquérir, d'autres interrogations à poser aujourd'hui, en partant, non de ce que d'autres on su, mais de ce qu'ils ont ignoré.
Partant des besoins des hommes, j'ai dû me pousser à la science et l'idéal de ma jeunesse a dû se transformer en une forme de la réflexion.
La méthode ne peut plus se séparer de son objet.
[L'esprit de la vallée]
Éveillés, ils dorment.
[L'esprit de la vallée]
Pour atteindre le point que tu ne connais point, tu dois prendre le chemin que tu ne connais point.
[L'esprit de la vallée]
Le concept de science n'est ni absolu ni éternel.
[L'esprit de la vallée]
Je crois personnellement qu'il y a au moins un problème... qui intéresse tous les hommes qui pensent: le problème de comprendre le monde, nous-mêmes et notre connaissance en tant qu'elle fait partie du monde.
[Avertissement du tome I]
Physis est d'abord le titre d'une question: « D'où viennent les choses? Comment naissent-elles et croissent-elles? »
[1.1 L'ordre et le désordre]
Le plus bel arrangement est un tas d'ordures disposées au hasard.
[1.1 L'ordre et le désordre]
... Un ordre avait surgi de la Décadence et du Désordre.
[1.1 L'ordre et le désordre]
Qu'on ne nous parle plus des Lois de la Nature.
[1.1.I L'invasion des désordres]
Je ne me dissimule pas de quelle surprise c'est frapper ton esprit que de t'annoncer la destruction ftale du ciel et de la terre.
Lucrèce
De natura rerum, livre V
[1.2 L'organisation]
Dans toute la science physique, il n'y a pas une chose qui soit une chose.
[1.2 L'organisation]
L'objet nous désigne plus que nous le désignons.
[1.2 L'organisation]
Toute réalité est unité complexe.
[1.2 L'organisation]
Si je trouve quelque autre capable de voir les choses dans leur unité et leur multiplicité, voilà l'homme que je suis à la trace comme un Dieu.
[2.1 Les êtres machines]
Carnot parle de sa machine, il parle du monde, météores, mers et soleils, il parle des groupes humains, de la circulation des signes.
[2.1.I]
En ma fin est mon commencement.
[2.1.II]
Seul l'insuffisant est productif.
[2.1.III]
Tout dans la nature songe à soi et ne songe qu'à soi.
[3. L'organisation regénérée et générative]
Un des outils les plus puissants de la science, le seul universel, c'est le contresens manié par un chercheur de talent.
[3. L'organisation regénérée et générative]
L'information, le plus vicieux des caméléons conceptuels.
[3. L'organisation regénérée et générative]
Nous avons fait fausse route en considérant séparément l'information. Il est indispensable de toujours examiner l'ensemble: information plus néguentropie.
[3. L'organisation regénérée et générative]
L'information c'est la néguentropie potentielle.
[3. L'organisation regénérée et générative]
Que l'entropie soit liée à l'information est la plus grande découverte de l'histoire, en théorie de la connaissance et en théorie de la matière.
[3.2 La physique de l'information]
Il faut découvrir l'erreur, et non la vérité.
[Conclusion]
Ce monde, notre vaste et terrible univers, voici que pour la première fois nous en faisons partie.
[Conclusion]
Le simple est toujours le simplifié.
La méthode II. La Vie de la Vie
Points/Seuil 175
[Avant-propos]
La nouvelle mentalité est plus importante même que la nouvelle science et la nouvelle technologie.
[Avant-propos]
Il est aussi mortel pour l'esprit d'avoir un système que de n'en point avoir. Il doit donc bien se décider à réunir les deux.
[Avant-propos]
Mon système prend le meilleur de tous côtés.
[Avant-propos]
Il a toujours fallu beaucoup plus d'imagination pour saisir la réalité que pour l'ignorer.
[Avant-propos]
Pendant que le très illustre et spéculatif Herr Professor explique tout ce qu'il existe, il a oublié par distraction comment il s'appelle lui-même, qu'il est un homme, simplement un homme...
[Avant-propos]
Je choisis toujours des sujets au-dessus de mes forces.
[Avant-propos]
L'empire du savoir a largué ses amarres. Il vogue vers le mystère et la nuit.
[Intoduction : La vie sans vie]
Vivants nous-mêmes, nous avons tellement pris l'habitude de ce monde étrange que nous oublions de nous en émerveiller. Et pourtant reproduction, naissance, croissance, hérédité, pensée, autant d'énigmes pour un physicien ou un chimiste. Rien de semblable ne s'observe dans le monde inanimé. La seule chose que nous puissions comprendre est la mort et la décomposition du système vivant.
[Introduction : La vie sans vie]
Isolément conçue, la biologie ne comporte (...) aucune rationalité complète et durable.
[Introduction : La vie sans vie]
L'organisation des systèmes vivants est le problème et non le point de départ axiomatique de la recherche.
[Introduction : La vie sans vie]
Si l'approche réductionniste n'a cessé de remporter des succès, elle n'en a pas moins des limites. Dans de nombreux cas, elle est nécessaire mais non suffisante. Selon toute vraisemblance, on verra dans les années à venir se développer en parallèle une autre approche, plus intégrative et « organismique » dans l'étude des grands problèmes de la biologie.
[Introduction : La vie sans vie]
À la dialectique s'était substituée la vie, et quelque chose de tout autre s'élaborait au fond de sa conscience.
[Intodruction : La vie sans vie]
La science des existants est à faire.
[Première partie : L'écologie généralisée Oikos]
Il n'y a aucune possibilité d'existence détachée et autonome.
[Première partie : L'écologie généralisée Oikos]
Les conditions de la vie ne sont ni dans l'organisme, ni dans le milieu extérieur, mais dans les deux à la fois.
[Première partie : L'écologie généralisée Oikos]
Toute pensée digne de ce nom aujourd'hui doit être écologique.
[Première partie : L'écologie généralisée Oikos]
C'était ce phénomène de contexte (...) qui définissait la ligne de séparation entre la science dans l'acception « classique » et le type de science que j'essayais de bâtir.
[Première partie : L'écologie généralisée Oikos]
Je suis une part de tout ce que j'ai rencontré.
[Première partie : L'écologie généralisée Oikos]
N'est-il pas étrange que nous ne puissions comprendre l'unité cachée de la bonté et de la cruauté?
[II.1 De l'autonomie à l'autos]
Il se consomme lui-même - supprime sa propre réalité inorganique - , se nourrit de soi-même, s'organise en soi-même.
Hegel
Realphilosopie, Éd. Hoffmeister, II, p.116, cité in Hyppolite Introduction à la phénomnologie de l'esprit, p. 149
[II.2 Auto-(géno-phéno)-organisation]
La nature mortelle cherche, selon ses moyens à se perpétuer et s'immortaliser; le seul moyen dont elle dispose pour sa fin, c'est la génération qui perpétuellement remplace l'être ancien par un nouveau... Tel est le stratagème (mechane) par lequel le mortel participe à l'immortalité.
Platon
Banquet, 207 d. 208 b
[II.2 Auto-(géno-phéno)-organisation]
Nous commençons à comprendre le jeu, mais nous ignorons encore tout du joueur.
[II.3 Les caractères non élémentaires de l'individualité]
L'être vivant forme un organisme et une individualité.
[II.3 Les caractères non élémentaires de l'individualité]
L'individualité est un apanage de la complexité.
[II.3 Les caractères non élémentaires de l'individualité]
L'individu est plus et autre chose que la combinaison d'éléments permutables et substituables.
[II.4 Le vif du sujet]
Où donc est ce « moi » s'il n'est ni dans le corps, ni dans l'âme?
[II.4 Le vif du sujet]
D'autres êtres ont aussi le droit de dir Moy.
[II.4 Le vif du sujet]
Je suis tout, je ne suis rien, je suis quelque chose.
[II.4 Le vif du sujet]
Désirer la vie, désirer vivre... ce n'est, semble-t-il, que désirer être soi-même.
[II.4 Le vif du sujet]
La substance vivante est l'être qui est sujet en vérité.
[II.4 Le vif du sujet]
L'organisme vivant est fait pour lui-même... Il travaille pour lui et non pour d'autres.
[II.4 Le vif du sujet]
An'I Haqq (mon Je est Dieu).
[II.4 Le vif du sujet]
Où Ça était, Je dois advenir.
[II.4 Le vif du sujet]
I am convinced thas Selves exist.
[II.4 Le vif du sujet]
Nous sommes plus proches d'une amibe, avec son psychisme intérieur intégré, que d'un robot.
[II.4 Le vif du sujet]
L'être vivant est en partie une usine chimique, en partie une machine calculatrice, en partie une âme pensante... Ces représentations se complètent, mais aucune n'épuise le sujet.
[V.2 La complexité vivante]
Ces nouveaux problèmes, et le futur du monde dépend de nombre d'entre eux, requièrent que la science fasse un troisième grand progrès, un progrès qui doit être plus grand que la conquête au XIXe siècle des problèmes de la simplicité ou la victoire au XXe siècle de la complexité désorganisée. La science doit, dans les cinquante années, apprendre à se guider dans les problèmes de la complexité organisée.
[V.2 La complexité vivante]
La Nature n'a malheureusement pas été assez aimable pour faire les choses aussi simples que nous l'aurions aimé. Il nous faut affronter les complexités.
[V.2 La complexité vivante]
En réalisant à quel point le monde est complexe, nous vivons, en quelque sorte, une seconde naissance.
[V.2 La complexité vivante]
Ce qui est contradictoire dans le royaume des choses mortes ne l'est pas dans le royaume de la vie.
[V.2 La complexité vivante]
Plus on regarde de près un problème du monde réel, plus sa solution devient floue.
[V.2 La complexité vivante]
Ce qu'ils pensent être un cercle vicieux, j'aimerais vous soumettre que c'est le cercle créateur.
[V.2 La complexité vivante]
Il n'y a pas de Simple, il y a simplification... Le Simple est toujours le simplifié.
[V.2 La complexité vivante]
Identifier l'existence à la non-contradiction, c'est ramener le traitement des problèmes d'existence à des manipulations toujours effectuables.
[V.2 La complexité vivante]
Le conflit est un signe qu'il existe des vérités plus amples et des perspectives plus belles.
[V.2.2.C. Le plein emploi de la causalité complexe]
L'erreur de la cause unique consiste à ne point comprendre qu'un phénomène bilogique est toujours le produit d'une situation complexe.
[V.2.3.B. Au frontière de la contradiction]
Nous ne réussissons pas à affirmer et à nier simultanément une même chose: c'est un principe expérimental et subjectif qui n'exprime nullement une nécessité, mais une simple impuissance.
[V.3.1 Naître et mourir]
He not busy being born is busy dying.
Qui n'est pas en train de naître est en train de mourir.
[V.4 L'homme vivant]
Tout animal est dans l'homme, mais tout l'homme n'est pas dans l'animal.
[V.4 L'homme vivant]
Nous ne quittons jamais notre vie.
[V.4 L'homme vivant]
On ne peut sortir l'homme de ce qui l'a fait tel qu'il est, ni de ce que, tel qu'il est, il fait, mais on ne peut non plus l'y réduire.
[V.4 L'homme vivant]
L'homme s'accomplira en supprimant les frontières qui paralysent son activité conceptuelle et qui le conduisent à tout classer et à tout réduire.
[V.4 L'homme vivant]
Aujourd'hui bien des questions les plus importantes et fascinantes dans la psychologie du développement ou la psycholinguistique, l'épistémologie ou la philosophie (...) surgissent précisément à la frontière entre nature et culture.
La méthode III. La Connaissance de la Connaissance
Seuil, 1986
Quel beau sujet de dispute sophistique tu nous apportes là, Ménon; c'est la théorie selon laquelle on ne peut chercher ni ce qu'on connaît, ni ce qu'on ne connaît pas: ce qu'on connaît parce que, le connaissant, on n'a pas besoin de le chercher, ce qu'on ne connaît pas parce qu'on ne sait même pas ce qu'on doit chercher.
Nous ne savons pas si nous savons (...) nous ne savons même pas ce que c'est que savoir
Que sais-je?
Qui expliquera l'explication?
Je sais tout mais je n'y comprends rien.
Il est impossible de réfléchir sur le temps et le mystère de la création du monde sans une accablante prise de conscience des limites de l'intelligence humaine.
Ceux qui étaient les poles de la Science et dans l'assemblée des sages brillaient comme des phares. Ils n'ont su trouver leur chemin dans la nuit sombre.
Ce qui est bien connu, justement parce que bien connu, n'est pas connu.
Il n'est pas moins vain de vouloir trouver dans un supposé réel l'origine de la connaissance et du langage que dans un ordre supposé des idées le principe de la genèse du monde réel.
Si nous voulons connaître la présente situation de l'humanité en général et la crise de notre culture en particulier, nous devons nous rendre compte du fait que nous avaons réussi et nous avons failli pour exactement la même raison, à savoir notre mode de rationalité.
Où est la sagesse que nous avons perdue dans la connaissance, où est la connaissance que nous avons perdue dans l'information?
Jamais il n'y eut une telle possibilité de connaissance et une telle probabilité d'obscurantisme.
Les intoxications par l'instruction sont bien plus graves que les intoxications par les sous-produits de l'industrie. Les encombrements d'information bien plus graves que les encombrements de machines et d'ustensiles. Les indigestions de signes, plus graves que les intoxications alimentaires.
La science est le reflet de l'homme dans le miroir de la nature.
L'univers n'est connu de l'homme qu'au travers de la logique et des mathématiques, produits de son esprit, mais il ne peut comprendre comment il a construit les mathématiques et la logique qu'in s'étudiant lui-même psychologiquement et biologiquement, c'est-à-dire en fonction de l'univers entier.
L'activité mentale humaine est une part - une petit et périphérique part - de la matière de la science. Il est toutefois également vrai que le tout de la science est également seulement une part (...) de l'activité mentale humaine.
Le vrai problème est celui-ci: comment cette part de la réalité qui commence par la conscience peut-elle s'ajuste à cette autre partie qui est décrite par la physique et la chimie?
Il faut aller du côté (...) où la raison aime être en danger.
Là où est le danger, croît aussi ce qui sauve.
Il faut sans cesse que je me plonge dans l'eau du doute.
L'absolu est le véritable ennemi du genre humain.
J'ai toujours mis dans mes écrits toute ma vie et toute ma personne.
Je devrais m'attendre à ce que les philosophes et les physiciens entreprennent une croisade contre moi, qui ne suis qu'un vagabond sans préjugés, rempli d'idées non conformes dans différents domaines de la connaissance.
Il ne s'agit pas de donner au lecteur une teinture de ce qui est enseigné de façon plus approfondie à l'Université, mais d'effectuer des analyses qui n'y sont pas normalement faites.
[Introduction générale I. L'abîme]
Im Abgrund wohnt die Warheit.
(Dans l'abîme réside la Vérité.)
[Livre premier : Anthropologie de la connaissance]
La condition fondamentale des possibilités d'un juste savoir est le savoir des présuppositions fondamentales de tout savoir.
[1.I La computation]
Si l'on dispose de la science computique, on n'aura plus besoin de la science informatique.
[3. L'esprit et le cerveau]
Qui pourrait douter de la présence de l'esprit? Renoncer à l'illusion qui voit dans l'âme une« substance » immatérielle, ce n'est pas nier son existence, mais au contraire commencer de reconnaître la complexité, la richesse, l'insondable profondeur de l'héritage, génétique et culturel, comme de l'expérience personnelle, consciente ou non, qui ensemble constituent l'être que nous sommes, unique et irrécusable témoin de soi-même.
[3. L'esprit et le cerveau]
Si de nos jours quelqu'un s'avise de déduire la phénoménologie intellectuelle ou spirituelle de l'activité glandulaire, il peut être assuré à priori de l'estime et du recueillement de son auditoire; si, par contre, quelqu'un d'autre se plaisait à voir dans la décomposition atomique de la matière stellaire une émanation de l'esprit créateur du monde, ce même public ne saurait plus que déplorer l'anomalie mentale de l'auteur. Et pourtant, ce deux explications sont également logiques, également métaphysiques, également arbitraires, et également symboliques (...) L'hypothèse de l'Esprit n'est en rien plus fantastique que celle celle de la Matière.
[4. La machine hyper-complexe]
Il n'y a pas d'études plus vitale pour l'homme que son propre cerveau. Notre vue de l'univers dépend en entier de cela.
[5. Computer et cogiter]
La computique développée aboutit à la cogistique.
[5. Computer et cogiter]
La cogistique approfondie aboutit à la computique.
[8. La double pensée]
Ces questions des mythologies sont les plus difficiles de toutes.
Mauss
Lettre à Radcliffe-Brouwn, 1924
[9.II De la pensée]
Qu'elle est grande par sa nature, qu'elle est basse par ses défauts!
La méthode IV. Les Idées
Seuil, 1991
[Introduction : Les idoles de la tribu]
Malgré soi, on est de son siècle.
[2. La vie des idées (noosphère) : Introduction]
Les paroles se comportent comme des êtres capricieux et autonomes.
[2. La vie des idées (noosphère) : Introduction]
L'image poétique a un être propre.
[2. La vie des idées (noosphère) : Introduction]
...Certes, il n'existait pas. Mais parce qu'ils l'aimaient
un animal pur naquit. Ils laissaient toujours de l'espace
Et dans cet espace, clair et épargné,
Il leva légèrement la tête et eut à peine besoin d'être. Ils ne le nourrirent d'aucun grain, mais uniquement de la possibilité d'être.
Et c'est cela qui donna une telle force à l'animal qu'il fait jaillir de son front une corne.
Rainer Maria Rilke
4e sonnet à Orphée
[2. La vie des idées (noosphère) : 1. Le troisème règne]
Domaine de la zoologie et domaine de la culture: deux comportements mystérieusement similaires, peut-être, dans les lois de leur arrangement, mais, malgré tout, deux mondes différents.
[Conclusion générale : Des idées et des hommes]
Jeux d'enfants, les pensers des hommes.
La méthode V. L'identité humaine
Seuil, 2001
[Préliminaires]
Quelle chimère est-ce donc que l'homme? Quelle nouveauté, quel monstre, quel chaos, quel sujet de contradiction, quel prodige! Juge de toutes choses, imbécile ver de terre; dépositaire du vrai, cloaque d'incertitude et d'erreur; gloire et rebut de l'univers. Qui démêlera cet embrouillement?
[Préliminaires]
Chaque homme porte la forme entière de l'humaine condition.
[Préliminaires]
L'homme se compose de ce qu'il a et de ce qui lui manque.
[Préliminaires]
Si quelqu'un veut sérieusement rechercher la vérité, il ne doit pas faire choix d'une science particulière; elles sont toutes unies entre elles et dépendent les unes des autres. Qu'il pense seulement à accroître la lumière naturelle de sa raison.
[Préliminaires]
L'adéquation de la méthode analytique est inversement proportionnelle à la complexité étudiée.
[Préliminaires]
Une parole éclaire ma recherche: comprendre.
[Préliminaires]
Il s'agit d'enseigner l'humanité à l'humanité.
[I.4 L'un multiple]
Bien que le Logos soit communà tous, la plupart des hommes vivent comme s'ils avaient chacun en propre une sagesse particulière
[II Introduction]
L'indifférence à l'individuel, au contingent, au périssable, a été le trait essentiel, et de la métaphysique, et de la science, et de la technique occidentale, et c'est le trait essentiel de la bureaucratie. Or ce qu'il y a de plus beau, de plus émouvant, de plus précieux, c'est ce qui est le plus fragile, c'est-à-dire le plus périssable, le plus contingent, le plus individuel...
[II.1 Le vif du sujet]
Le matérialisme radical est la philosophie du sujet qui oublie de s'y inclure.
[II.1 Le vif du sujet]
Aucune science objective, aucune psychologie, aucune philosophie non plus n'ont jamais fait un thème de ce royaume du subjectif, et par conséquent ne l'ont véritablement découvert.
[II.1 Le vif du sujet]
Là où Ça était, Je doit advenir.
[II.1 Le vif du sujet]
Être sujet, c'est le combre de l'égoïsme et de l'altruisme.
[II.1 Le vif du sujet]
S'il n'y a pas d'autres moi, il n'y a pas de moi.
[II.1 Le vif du sujet]
L'enfer, c'est les autres.
[II.1 Le vif du sujet]
L'enfer est tout entier dans le mot solitude.
[II.2 L'identité polymorphe]
Chaque individu est unique et chaque individu est de nombreux individus qu'il ne connaît pas.
[II.3. Esprit et conscience]
Je suis convaincu que les explications des phénomènes « émergents » de nos cerveaux, comme les idées, les espoirs, les images, les analogies, et, pour finir, la conscience et le libre arbitre, reposent sur une sorte de Boucle étrange, une interaction entre des niveaux dans laquelle le niveau supérieur redescend vers le niveau inférieur, tout en étant lui-même déterminé par le niveau inférieur. Il y aurait donc, autrement dit, une « résonance » auto-renforçante entre différents niveaux. Le Moi naît dès lors qu'il a le pouvoir de le refléter.
[II.4 Le complexe d'Adam]
Il n'est rien de plus merveilleux-terrifiant que l'homme.
[II.4 Le complexe d'Adam]
Connaissez donc, superbe, quel paradoxe vous êtes à vous-même.
[II.4 Le complexe d'Adam]
Héraclite [...] disait que par nature l'homme est dépourvu de raison.
[II.4 Le complexe d'Adam]
Le fou se moque du fou.
[II.4 Le complexe d'Adam]
Ce n'est pas sage que d'être seulement sage.
[II.4 Le complexe d'Adam]
Les hommes sont si nécessairement fous que ce serait être fou par un autre tour de folie de n'être pas fou.
[II.4 Le complexe d'Adam]
L'homme a besoin d'un courage téméraire pour descendre en l'abîme de lui-même.
[II.4 Le complexe d'Adam]
Il y a des profondeurs dans l'âme humaine que seul le rite peut atteindre.
Louis Jacobs
rabbin anglais
[II.4 Le complexe d'Adam]
Toutes vos craintes sont des craintes de mortels, mais tous vos rêves sont des rêves d'immortels.
[II.4 Le complexe d'Adam]
Mon idéologie ne va pas contre la raison, puisque je n'admets pas d'autre mode de connaissance théorique que celle-ci; elle va seulement contre le rationalisme.
[II.5 Au-delà de la raision et de la folie]
Nous autres, êtres humains, sommes des animaux qui dépendons de l'amour.
[II.5 Au-delà de la raision et de la folie]
L'homme est l'animal pour lequel seul le superflu est nécessaire.
[II.5 Au-delà de la raision et de la folie]
C'est le langage le plus libéré des contraintes prosaïques, le plus enclin pour cette raison à se célébrer lui-même dans ses vacances poétiques, qui est le plus disponible pour tenter de dire le secret des choses.
[II.6 La supportable réalité]
Human kind cannot bear very much reality.
[II.6 La supportable réalité]
Les hommes ont toujours lutté de toutes leurs forces contre la réalité.
[III.2 L'identité sociale]
C'est quelque chose de plus que consentement et concorde; c'est une véritable unité de tous en Une Identique personne faite du pacte de tout homme avec tout homme [...] C'est à la génération de ce Grand Léviathan ou plutôt de ce dieu mortel à qui nous devons, sous le Dieu immortel, notre paix et défense.
[III.2 L'identité sociale]
L'État est cette réalité maintenue et instaurée par la violence meurtière.
[III.2 L'identité sociale]
Il n'est pas un témoignage de culure qui n'en soit en même temps de barbarie [...] le patrimoine culturel ne doit pas son existence seulement à l'effort des grands génies qui l'ont façonné, mais à la servitude anonyme de leurs contemporains.
[III.3 L'identité historique]
Le devenir est désormais problématisé, et le sera à jamais.
[III.3 L'identité historique]
La culture épistémologique actuelle ne tient pas compte de la profondeur de l'histoire humaine.
[III.3 L'identité historique]
Nous entendons par conscience historique le privilège de l'homme moderne de tenir pleinement compte de l'historicité de tout présent.
[III.4 L'identité planétaire]
L'humanité affronte un monstre pluricéphale qu'elle a engendré [...]. Combattre chaque tête est inefficace. Les combattre toutes est herculéen.
Christian de Duve
Poussière de vie : une histoire du vivant, Paris, Fayard, 1996
[III.5 L'identité future]
L'homme ou son héritier restera pascalien -tourmenté par les deux infinis -, kantien - se heurtant aux antinomies de son esprit et aux limites du monde des phénomènes -, hégélien - en perpétuel devenir, en continuelles contradictions, à la recherche de la tonalité qui le fuit.
[IV.1 Éveillés et somnambules]
Éveillés, ils dorment.
[IV.1 Éveillés et somnambules]
Nous sommes automates autant qu'esprits.
[IV.1 Éveillés et somnambules]
Nous sommes des marionnettes manoeuvrées par des mains inconnues. Nous ne sommes que les glaives avec lesquels les esprits combattent.
[IV.1 Éveillés et somnambules]
La spiritualité et la sexualité [...] ne sont pas des choses que vous possédez et qui sont en vous, au contraire ce sont elles qui vous possèdent et c'est vous qui êtes en elles, car elles sont des démons très puissants.
[IV.1 Éveillés et somnambules]
Nous sommes livrés à ces dieux, à ces mensonges, à ces géants, nos pensées; souvent ces belligérants terribles foulent aux pieds nos âmes.
[IV.1 Éveillés et somnambules]
Nous sommes de l'étoffe dont sont faits les rêve.
[IV.2 Retour à l'originel]
La tâche est d'élargir notre raison pour la rendre capable de comprendre ce qui en nous et dans les autres précède et excède la raison.
[IV.2 Retour à l'originel]
La vérité se protège d'elle-même: les anatagonismes se croisent symétriquement auprès d'elle sans l'atteindre.
[IV.2 Retour à l'originel]
C'est le paradoxe suprême de la pensée que de vouloir découvrir quelque chose qu'elle ne peut penser.
[IV.2 Retour à l'originel]
La température de sa propre destruction est la température de sa propre régénération.
[IV.2 Retour à l'originel]
Le possible est un oiseau mystérieux toujours planant au-dessus de l'homme.
Pour entrer dans le XXIe siècle
Points/Essais 518
Les temps sont forts, et l'heure est grande! Les premières houles d'équinoxe se lèvent déjà à l'horizon pour l'enfantement d'un nouveau millénaire... Un grand morceau d'histoire naissante se détache pour nous des langes du futur...
L'agonie finale de la naissance de l'homme ou de la mort a commencé.
Notre temps est au plus profond de la nuit du monde et de la pénurie.
Le destin nous poursuit comme un dément armé d'un rasoir.
[Savoir voir]
Ceux qui ne peuvent se rappeler l'expérience sont condamnés à la répéter.
[Le jeu de la vérité et de l'erreur]
Il faut découvrir l'erreur, et non la vérité.
[Le jeu de la vérité et de l'erreur]
Pour être prêt à espérer en ce qui ne trompe pas, il faut d'abord désespérer de ce qui trompe.
[Le jeu de la vérité et de l'erreur]
L'ennemi que l'on combat avec le plus d'acharnement est un mort.
[La mission de l'intellectuel]
Intellectuels de l'Est et de l'Ouest, nous manquons tous à notre devoir : nous n'avons pas réussi à élucider vraiment, ni le capitalisme d'État, ni le socialisme d'État, ni l'essence de l'intelligentsia.
La tête bien faite
Seuil, 1999
[Avant-propos]
J'aimerais tellement poursuivre mon éducation purement humaine, mais le savoir ne nous rend pas meilleur ni plus heureux. Oui, si nous étions capables de comprendre la cohérence de toute chose ! Mais le commencement et la fin de toute science ne sont-ils pas enveloppés d'obscurité ? Ou bien dois-je utiliser toutes ce facultés, ces forces, cette vie entière pour connaître telle espèce d'insecte, pour savoir classer telle plante dans la série des règnes ?
[1. Les défis]
Notre Université présente forme à travers le monde une proportion trop grande de spécialistes de disciplines prédéterminées, donc artificiellement bornées, alors qu'une grand partie des activités sociales, comme le développement même de la science, demande des hommes plus large et d'une focalisation en profondeur sur les problèmes, et des progrès nouveaux transgressant les frontières historiques des disciplines.
[2. La tête bien faite]
On n'apprend point aux hommes à être honnête homme, et on leur apprend tout le reste.
[2. La tête bien faite]
La finalité de notre école est d'enseigner à repenser le pensé, à dé-savoir le su et à douter de son propre doute, ce qui est l'unique mode de commencer à croire en quelque chose.
[3. La condition humaine]
Notre véritable étude est celle de la condition humaine.
[4. Apprendre à vivre]
Je veux lui apprendre à vivre.
[4. Apprendre à vivre]
Nous voulons être les poètes de notre propre vie, et d'abord dans les plus petites choses.
[5. Affronter l'incertitude (Apprendre à vivre, suite)]
Les dieux nous créent bien des surprises :
l'attendu ne s'accomplit pas,
et à l'inattendu un dieu ouvre la voie.
[5. Affronter l'incertitude (Apprendre à vivre, suite)]
Il faut que le corps enseignant se porte aux postes les plus avancés du danger que constitue l'incertitude permanente du monde.
[5. Affronter l'incertitude (Apprendre à vivre, suite)]
Si tu n'espères pas l'inespéré, tu ne le trouveras pas.
[5. Affronter l'incertitude (Apprendre à vivre, suite)]
L'ère qui viendra nous montrera la chaos derrière la loi.
[8. La réforme de pensée]
Les Lumières dépendent de l'éducation et l'éducation dépend des Lumières.
[8. La réforme de pensée]
Je sais tout mais je ne comprends rien.
[Annexe 4 : La notion de sujet]
Agir, vivre, conserver son être, ces trois mots signifient la même chose.
[Annexe 4 : La notion de sujet]
La substance vivante est l'être qui est sujet en vérité.